La Cour d’appel de Versailles a pu se positionner dans une affaire où nous assurions la défense de la société intimée dans l’intérêt de laquelle nous avions conclu à l’absence d’effet dévolutif de l’appel interjeté par une ancienne salariée.
En effet, cette dernière n’avait pas mentionné dans sa déclaration d’appel les chefs de jugement expressément critiqués auxquels l’appel était limité et ce, en violation de l’article 901 du Code de procédure civile. En l’occurrence, l’appelante s’était contentée d’indiquer dans sa déclaration d’appel « Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués » et d’y joindre une annexe comportant lesdits chefs de jugement critiqués bien qu’une telle annexe ne fût prévue à l’époque que par une circulaire du ministère de la Justice du 4 août 2017 – dépourvue de valeur juridique – et uniquement dans l’hypothèse d’un empêchement technique (cas où les chefs de jugement ne peuvent pas être insérés dans le corps de la déclaration d’appel faute de place suffisante) lequel n’était pas justifié ni même invoqué par l’appelante.
Notre position a été confortée par un arrêt rendu par la Cour de cassation le 13 janvier 2022 (Cass. civ. 2e, n°20-17.516), soit à peine un mois avant l’audience de plaidoirie. Dans cet arrêt, la Cour de cassation a approuvé la Cour d’appel, ayant constaté que les chefs critiqués du jugement n’avaient pas été énoncés dans la déclaration d’appel formalisée par l’appelante, celle-ci s’étant bornée à y joindre un document intitulé “motif déclaration d’appel pdf”, sans alléguer un empêchement technique, d’avoir exactement déduit que le document annexe ne valait pas déclaration d’appel, seul l’acte d’appel opérant la dévolution des chefs critiqués du jugement. La Cour d’appel n’était donc saisie d’aucune demande par cette déclaration d’appel qui n’avait pas opéré dévolution.
Le décret n°2022-245 du 25 février 2022 et l’arrêté ministériel du même jour pris en application de ce décret (tous deux publiés au JO du 26 février 2022) auraient pu nous faire perdre l’espoir d’emporter la conviction de la Cour d’appel de Versailles.
En effet, ces textes ont modifié l’article 901 du Code de procédure civile qui fait désormais référence à une annexe à la déclaration d’appel, ainsi que l’article 4 de l’arrêté du 20 mai 2020 qui renvoie à l’hypothèse d’un document devant être joint à un acte et à l’obligation que ledit acte renvoie expressément au document annexé.
Cependant, sur interrogation de la Cour, nous avions conclu que ces modifications n’avaient pas eu pour effet de généraliser l’annexe à la déclaration d’appel et qu’en tout état de cause, la déclaration d’appel dans notre cas n’avait pas pu emporter d’effet dévolutif puisqu’en l’absence de renvoi exprès à l’existence d’une annexe, elle ne ferait nécessairement pas corps avec la déclaration d’appel.
Aux termes d’une décision rendue le 21 avril 2022 (n° RG 20/00693), la Cour d’appel de Versailles a constaté l’absence d’effet dévolutif attaché à la déclaration d’appel de l’ancienne salariée et par conséquent, a dit qu’elle n’était pas saisie de l’appel formé par cette dernière.
Il est intéressant de noter que la Cour a motivé sa décision en constatant que la déclaration d’appel de l’ancienne salariée, qui ne contenait pas les chefs de jugement expressément critiqués, ne renvoyait pas expressément à une annexe jointe.
Pour aller plus loin …
À notre sens, les décret et arrêté du 25 février 2022 précités n’ont pas eu pour effet d’autoriser la pratique de l’annexe à la déclaration d’appel quelles que soient les circonstances. Les nouvelles dispositions sont claires, notamment celles de l’article 901, 4° du Code de procédure civile, à savoir que « la déclaration d’appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe […] ».
Cette locution « le cas échéant » est souvent mal utilisée puisque c’est une expression qui exprime l’éventualité et qui peut facilement être remplacée par « si cela est nécessaire ».
Ainsi, il ne va pas de soi que l’annexe à la déclaration d’appel devrait être autorisée, sauf empêchement technique, y compris depuis la publication des décret et arrêté du 25 février 2022.
Selon nous, l’arrêt de la Cour de cassation du 13 janvier 2022 conserve toute sa portée, à savoir rappeler l’interdiction d’une annexe à la déclaration d’appel sauf preuve d’une impossibilité technique.
Nul doute cependant que la Cour de cassation aura à se prononcer à nouveau sur cette question à la lumière des nouveaux textes.
Il ne serait donc que trop précieux que de continuer d’être vigilant dans la rédaction de nos déclarations d’appel !
Claire Machureau-Arabi, avocat associé
Hélène Rabut et Marion Lepigeon-Olivieri, avocats