FLASH INFO COVID-19 N°21

07/05/2020

Mis à jour le 8 juin 2020

 

Le Gouvernement a mis en place, à travers trois ordonnances des 25 mars, 15 avril et 13 mai 2020, un dispositif de neutralisation de certains délais contractuels ayant expiré ou devant expirer pendant la période dite « juridiquement protégée », laquelle a commencé à courir le 12 mars 2020 et doit se terminer le 23 juin 2020 inclus.

 

1 – Quels sont les types de clauses et délais contractuels concernés par le dispositif de neutralisation ?

Sont concernées par le dispositif les clauses sanctionnant l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé, ainsi que celles devant être actionnées dans un délai déterminé, entrant dans l’une des catégories suivantes :

> Clauses pénales ou clauses d’astreinte conventionnelle : il s’agit de clauses prévoyant le paiement d’une somme d’argent, notamment à titre de dommages-intérêts, en cas d’inexécution d’une obligation contractuelle.

> Clauses résolutoires : il s’agit de clauses permettant la résiliation anticipée d’un contrat en cas de manquement par l’une des parties à ses obligations.

> Clauses de déchéance : les clauses de déchéance par excellence sont celles figurant dans les prêts bancaires, prévoyant la possibilité pour un établissement de crédit de prononcer la déchéance du terme du prêt en cas de défaut de règlement d’une échéance. De façon plus générale, l’on peut se demander si le Gouvernement a entendu inclure dans cette catégorie toutes les clauses prévoyant la perte d’un droit contractuel en cas d’inexécution dans un certain délai.

 > Clauses de résiliation ou de non-renouvellement de contrat à échéance fixe : il s’agit de clauses permettant la résiliation du contrat à date anniversaire fixe, ou soumettant son non-renouvellement à une dénonciation avant une certaine date.

 

2 – Quels sont les effets du dispositif de neutralisation sur les contrats en cours ?

Plusieurs cas de figure doivent être distingués, selon la date à laquelle l’obligation d’exécuter visée et sanctionnée par la clause arrivait à échéance, et selon le type de clause concerné.

 

 2.1  Le dispositif applicable aux clauses pénales, résolutoires et de déchéance ainsi qu’aux astreintes conventionnelles

> Cas n°1 : La clause sanctionne l’inexécution d’une obligation devant être exécutée pendant la période juridiquement protégée, soit entre le 12 mars et le 23 juin 2020 inclus

Lorsque, en vertu du contrat qui les stipule, ces clauses et astreintes sanctionnent l’inexécution d’une obligation qui devait être exécutée durant la période juridiquement protégée, soit entre le 12 mars et le 23 juin 2020 inclus, elles « sont réputées n’avoir pas pris cours ou produit effet » : leurs effets sont donc paralysés, et la sanction de l’inexécution contractuellement prévue par les parties n’est donc pas applicable.

Mais pour combien de temps ?

Dans sa version initiale, l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 prévoyait, pour les cas où le débiteur de l’obligation ne se serait toujours pas exécuté, que ces clauses et astreintes produiraient leurs effets un mois après la fin de la période juridiquement protégée, soit le 24 juillet 2020.

Cette disposition a toutefois été modifiée par l’ordonnance n°2020-427 du 15 avril 2020 et il est désormais prévu que ces clauses et astreintes reprendront effet après « une durée (…) égale au temps écoulé entre, d’une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l’obligation est née et, d’autre part, la date à laquelle elle aurait dû être exécutée ».

 Concrètement, le report de la sanction contractuelle de l’inexécution n’est donc plus fixé pour tous les contrats au 24 juillet 2020 mais devra, au contraire, être déterminé au cas par cas. Le débiteur de l’obligation bénéficiera, pour s’exécuter, de la totalité de la durée de la période juridiquement protégée augmentée :

> de la durée du délai d’exécution prévu par la clause restant à courir au-delà du 12 mars 2020, lorsque ledit délai avait commencé à courir avant le 12 mars 2020,

> ou de l’intégralité de la durée du délai d’exécution prévu par la clause, lorsque ledit délai a commencé à courir durant la période juridiquement protégée.

La sanction de l’inexécution contractuelle prévue par la clause ne pourra donc intervenir qu’à l’issue de ce délai d’exécution ainsi augmenté, si le débiteur ne s’est pas exécuté entretemps.

En pratique, cette règle se traduit concrètement comme suit :

1er exemple : un contrat conclu le 1er février 2020 prévoit l’exécution d’une obligation au plus tard le 20 mars 2020, soit 8 jours après le début de la période juridiquement protégée, le non-respect de cette échéance étant sanctionné par une clause pénale.

> La clause pénale produira effet 8 jours après la fin de la période juridiquement protégée, soit le 3 juillet 2020. Le débiteur de l’obligation contractuelle bénéficie donc d’un délai expirant le 3 juillet 2020 pour s’exécuter, au lieu du délai prévu dans la clause expirant le 20 mars 2020.

2ème exemple : un contrat conclu le 1er avril 2020 prévoit l’exécution d’une obligation au plus tard le 15 avril 2020 (soit un délai d’exécution de 15 jours), une clause résolutoire étant stipulée en cas d’inexécution à cette date.

> La date à laquelle l’obligation est née – 1er avril 2020, date de conclusion du contrat – étant postérieure au 12 mars 2020, la totalité du délai d’exécution prévu dans la clause (15 jours) vient s’ajouter à la durée de la période juridiquement protégée. La clause résolutoire ne produira donc effet que 15 jours après la fin de la période juridiquement protégée, soit le 10 juillet 2020.

 

> Cas n°2 : la clause sanctionne l’inexécution d’une obligation devant être exécutée après la période juridiquement protégée, soit à partir du 24 juin 2020

Le dispositif mis en place par le Gouvernement traite également, de manière au premier abord surprenante, des clauses pénales, résolutoires ou de déchéance ainsi que des astreintes conventionnelles sanctionnant l’inexécution d’une obligation devant être exécutée après la fin de la période juridiquement protégée, soit à partir du 24 juin 2020.

Il s’agit en fait ici de tenir compte des cas où la crise sanitaire va causer une accumulation de retards mettant à mal la capacité de certains débiteurs à s’exécuter dans les délais même après la fin de la période juridiquement protégée, et d’anticiper ainsi d’éventuelles difficultés de redémarrage d’activité, par exemple dans les domaines de la construction ou de la vente de biens à fabriquer.

Toutefois, il y a lieu de souligner que ne sont ici concernées que les obligations de faire, à l’exclusion des obligations de paiement de sommes d’argent. Le débiteur du paiement d’une somme d’argent venant à échéance postérieurement à l’issue de la période juridiquement protégée ne pourra donc pas se prévaloir de ce dispositif. Cette exclusion des obligations de paiement de sommes d’argent du dispositif est justifiée par le fait que les difficultés financières des débiteurs à l’issue de la période de crise sanitaire auront vocation à être traitées selon les règles de droit commun (délais de grâce, procédure collective, surendettement) et les aides dispensées par l’Etat (Prêt Garanti par l’Etat, report de paiement de certaines charges et impôts, etc.).

Aux termes de ce dispositif, les effets des clauses pénale, résolutoire et de déchéance ainsi que des astreintes conventionnelles sont reportés pour « une durée égale au temps écoulé entre, d’une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l’obligation est née et, d’autre part, la fin de cette période ».

En d’autres termes, il est laissé au débiteur pour s’exécuter une période supplémentaire courant à compter de la date d’exécution qui était prévue au contrat, et d’une durée égale à tout ou partie de la durée de la période juridiquement protégée, selon que l’obligation du débiteur est née avant ou pendant la période juridiquement protégée.

La sanction de l’inexécution contractuelle prévue par la clause ne pourra donc intervenir qu’à l’issue de ce délai d’exécution ainsi augmenté, si le débiteur ne s’est alors toujours pas exécuté

En pratique, cette règle se traduit concrètement comme suit :

1er exemple : un contrat de travaux conclu le 1er février 2020 (obligation née avant le début de la période juridiquement protégée) prévoyait une livraison par l’entrepreneur le 1er juillet 2020, le non-respect de cette échéance étant sanctionné par une clause pénale.

> L’entrepreneur disposera d’un délai supplémentaire pour s’exécuter courant à compter du 1er juillet 2020, date de livraison contractuellement prévue, et pour une durée équivalente à l’intégralité de la durée de la période juridiquement protégée (soit de 3 mois et 12 jours). Il aura donc jusqu’au 13 octobre 2020.

2ème exemple : un contrat de prestation de services a été conclu le 1er avril 2020 (obligation née après le début de la période juridiquement protégée) et une clause résolutoire devait, en cas d’inexécution par le prestataire, produire ses effets le 1er juillet 2020.

> Le prestataire disposera d’un délai supplémentaire pour s’exécuter courant à compter du 1er juillet 2020 et pour une durée équivalente à la partie de la période juridiquement protégée restant à courir depuis la date de naissance de l’obligation à exécuter (soit 2 mois et 23 jours). Il pourra donc s’exécuter jusqu’au 23 septembre 2020 à minuit et, à défaut d’exécution, la clause résolutoire prendra effet le 24 septembre 2020.

 

> Cas n°3 : traitement particulier réservé aux clauses pénales et astreintes conventionnelles ayant commencé de produire leurs effets avant la période juridiquement protégée, soit avant le 12 mars 2020

Des dispositions particulières ont été adoptées pour les astreintes conventionnelles et les clauses pénales ayant commencé à prendre effet avant le 12 mars 2020.

Dans ce cas, ces clauses voient leur cours suspendu pendant la période juridiquement protégée. Elles ne reprendront leur cours qu’à l’expiration de cette période, c’est-à-dire à compter du 24 juin 2020, à supposer que le débiteur ne se soit pas exécuté entretemps.

Exemple : un contrat de prestation de services conclu le 1er janvier 2020 prévoyait l’exécution d’une prestation avant le 5 mars 2020. En cas de retard d’exécution, le contrat stipule qu’une indemnité forfaitaire de 100 euros par jour de retard devra être acquittée par le prestataire.

> En cas d’inexécution par le prestataire, la clause pénale ou d’astreinte conventionnelle lui sera valablement opposable pour toute la période comprise entre le 5 et le 12 mars. En revanche, aucune indemnité ne pourra lui être réclamée ni ne sera due pendant la période juridiquement protégée, soit du 12 mars au 23 juin 2020. Le cours de la clause pénale recommencera à courir à compter du 24 juin 2020.

L’on précisera ici que les tribunaux peuvent toujours être saisis pour moduler les effets d’une clause pénale manifestement excessive ou réévaluer le montant dû au créancier lorsque l’inexécution n’est que partielle (article 1231-5 du Code civil). Rappelons également que le jeu de la clause pénale suppose l’envoi d’une mise en demeure préalable au débiteur.

 

2.2 Le dispositif applicable aux clauses de résiliation ou de non-renouvellement du contrat devant être actionnées dans un délai déterminé venant à expiration pendant la période juridiquement protégée, soit entre le 12 mars et le 23 juin 2020 inclus

Les cocontractants qui, aux termes de leur contrat, avaient la faculté de résilier le contrat ou de s’opposer à son renouvellement dans un délai contractuel imparti par le contrat et arrivant à échéance entre le 12 mars et le 23 juin 2020 inclus, bénéficient, pour le faire, d’un délai supplémentaire de deux mois à compter de la fin de la période juridiquement protégée, soit jusqu’au 23 août 2020 inclus.

Attention, durant la période intermédiaire (période entre la date à laquelle le contrat aurait dû, selon ses stipulations, être résilié ou non renouvelé et la date à laquelle la résiliation ou le non-renouvellement prendra effectivement effet du fait de son report), il faut considérer que le contrat continue pleinement de produire effet. La résiliation (ou le non-renouvellement) reportée n’étant pas rétroactive, chaque partie demeure donc a priori tenue d’exécuter normalement ses obligations tant que la résiliation (ou le non-renouvellement) n’a pas pu intervenir.

En pratique, cette règle se traduit concrètement comme suit :

1er exemple : cas d’un contrat comportant une clause de non-renouvellement : un contrat de bail a été conclu le 25 avril 2019 pour une durée d’un an, avec une clause stipulant qu’il serait automatiquement renouvelé à son terme (soit au 25 avril 2020), sauf si l’une des parties s’y oppose par écrit au plus tard un mois avant son terme, soit avant le 25 mars 2020.

> Le délai pour s’opposer au renouvellement du contrat devant expirer pendant la période juridiquement protégée, il est prorogé et chacune des parties disposera d’un délai courant jusqu’au 23 août 2020 inclus pour s’opposer par écrit au renouvellement du contrat et y mettre fin. Jusqu’à la résiliation effective, les loyers continuent d’être dus.

2ème exemple : cas d’un contrat comportant une clause de résiliation : un contrat d’assurance a été souscrit, chaque partie pouvant le résilier dans les trois mois qui suivent la date de survenance de certains événements en vertu de l’article L. 113-16 du Code des assurances. Si un événement s’est produit le 20 décembre 2019, le délai pour résilier ledit contrat expire le 20 mars 2020.

> Le délai pour résilier le contrat devant expirer durant la période juridiquement protégée, il est prorogé et chaque partie pourra valablement notifier la résiliation du contrat dans les deux mois qui suivent la fin de la période juridiquement protégée, soit jusqu’au 23 août 2020 inclus.

 

 3 – Quelles sont les limites du dispositif ? Peut-on y déroger ?

Le dispositif mis en place par le Gouvernement appelle les remarques et réserves suivantes.

D’une part, l’on doit souligner que le dispositif n’a ni pour objet ni pour effet de suspendre le cours des contrats, ou encore d’exonérer les cocontractants de leurs obligations.

Même si le dispositif permet au débiteur d’une obligation, qui ne serait pas exécutée dans les délais, de ne pas encourir l’application de certaines pénalités contractuelles (astreintes, clause pénale), ou encore d’empêcher le jeu d’une clause résolutoire, il n’en reste pas moins que toute inexécution reste susceptible d’engager la responsabilité contractuelle de son auteur.

Ainsi, toute partie qui n’exécuterait pas l’une de ses obligations s’expose à ce que son cocontractant ait recours à son encontre aux sanctions de droit commun, lesquelles restent à ce jour pleinement applicables. A titre d’exemple, le cocontractant victime d’une inexécution pourrait :

> agir en paiement s’il est créancier d’une obligation de paiement, et réclamer l’application d’intérêts de retard au taux légal ou conventionnel, sauf pour le débiteur à avoir sollicité des délais de grâce (article 1343-5 du Code civil),

> refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de ses propres obligations,

> réclamer des dommages-intérêts lorsque l’inexécution lui aura causé un préjudice,

> demander au juge une réduction du prix convenu contractuellement,

> résilier le contrat à ses risques et périls, hors toute clause contractuelle, lorsque l’inexécution sera suffisamment grave, ou demander en justice la résolution du contrat.

Pour échapper à de telles sanctions, le débiteur devra prouver que les conditions de la force majeure étaient réunies et ont rendu impossible l’exécution de ses obligations (voir à ce sujet notre Flash info n°9 sur la possibilité de se délier de ses obligations contractuelles au motif de l’épidémie de Covid-19 ici).

D’autre part, l’on précisera que les parties restent libres de convenir entre elles d’écarter l’application du dispositif de neutralisation, par avenant pour les contrats en cours ou par une clause spécifique insérée dans les nouveaux contrats.

Toutefois, l’exclusion du bénéfice des dispositions protectrices édictées par le Gouvernement doit se faire après une évaluation précise des enjeux du contrat et au cas par cas. La plus grande vigilance devra également être de mise au cours des prochaines semaines lors de la signature de nouveaux contrats.

 

Notre cabinet reste activement mobilisé pour vous assister dans toutes problématiques en relation avec ces sujets. N’hésitez pas à nous contacter (voir nos coordonnées ci-dessous ou encore notre site internetwww.lecspartners.com).  

 

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